Descendante d’un mathématicien du XVIIe siècle et du comte de Pelham Manor, nièce d’un célèbre champion de tennis, fille d’un administrateur de biens, il n’en faut pas plus pour déterminer qu’Isabel Townsend Pell est vouée à une carrière aussi brillante que les ascendants de sa lignée. Pourtant, sa vie ne commence pas de la meilleure des façons…

Isabel Pell naît en 1900 dans l’Etat de New-York au sein d’une famille de mondains américains divorcés et ruinés, suite au décès prématuré de son père, Samuel O. Pell, en 1913.
La vie de la jeune Isabel n’est, à cette période, pas des plus gaies. Suite à un procès perdu par sa mère, elle part vivre chez son oncle.
Les années passent et malgré le nom prestigieux qu’elle porte, se trouvant sans le sou, Isabel – à peine majeure – est contrainte de trouver un travail. Elle va tout d’abord travailler dans la mode, avant de se lancer dans une courte carrière de comédienne au théâtre.
Une vie d’amours
En 1924, malgré des fiançailles forcés et un mariage avorté avec R. Lorenzo Thomas, Isabel Pell se tourne bien plus vers la gente féminine. C’est à ce moment-là qu’elle acquiert une réputation de coureuse de jupons. Ouvertement lesbienne, elle fréquente beaucoup de femmes fortunées, comme la joueuse de tennis Eleonora Sears, la peintre Margarett Sargent ou encore la sculptrice Renée Prahar.
Dans les années 1930, elle est contrainte de quitter New-York à la suite d’un scandale causé par la découverte de sa liaison avec une chanteuse du Metropolitan Opera. Elle s’exile alors en France, à Paris, où elle fréquente le cercle de Natalie Clifford Barney
« Fredericka »
Après Paris, Isabel déménage dans le sud. En 1940, on la retrouve à Auribeau-sur-Siagne, un petit village près de Cannes, où elle réside avec sa compagne la marquise Claire de Forbin.
Durant l’occupation italienne qui sévit dans la région, elle décide de s’engager dans la résistance française sous le pseudnonyme de « Fredericka ».
Celle que l’on surnomme alors la Blonde Mèche, permet ainsi à des citoyens américains de quitter la France et fait de même avec des prisonniers et des familles juives, qu’elle aide en leur faisant parvenir de faux papiers.

Les lesbiennes dans la résistance française
Bien sûr, Isabel n’a pas été la seule lesbienne résistante pendant la guerre. Parmi ses contemporaines, on peut citer entre autres : Claude Cahun et sa compagne Marcel Moore, la comédienne Nicole Stéphane et son amante, la fille de l’écrivaine Colette et journaliste, Colette de Jouvenel ; Nadine Hwang ; Marguerite Soubeyran ou Thérèse Pierre.
En souvenir d’une héroïne

En 1994, la ville Puget-Théniers, décide de rendre hommage à ses activités de résistante dans la région en lui dédiant une rue à son nom.
En effet, en 1946, les chanteuses et compositrices lesbiennes, Dora Stroeva et Jacqueline Batell, s’allient pour réaliser une chanson dédiée à Isabel.
Intitulée Vous… (laissez parler votre coeur), cette chanson d’amour apparaît dans la grande revue du Casino de Paris « Extra Dry ». Elle est chantée (mais jamais enregistrée) par notre crooner (gay) français, Jean Sablon.

Le fait que ces deux artistes dédient une chanson à une résistante n’est pourtant pas anodin. Ce n’est pas la première fois que Dora et Jacqueline le font. A la Libération, toutes deux vont, chacune de leur côté, réaliser des chansons en hommage aux résistants. À commencer par Dora Stroeva, qui compose et écrit la chanson Français, la France n’est pas morte pour les F.F.I. en 1944. Quant à Jacqueline Batell, la même année, elle écrit Voilà les gars, dédiée au Général Koenig, chef des F.F.I. Puis, elle compose (sur des paroles de Mireille Brocey) : Le grand Charles, en hommage à Charles De Gaulle.