C’est au début du XIXe siècle que vécut Mary Jones, l’unes des premières femmes ouvertement transgenres aux États-Unis. Dans une époque où le terme « transgenre » n’existe pas, la vie de Mary est bousculée par plusieurs scandales et procès, dans une société profondément raciste. Si son cas est peu connu de nos jours, elle est une figure importante dans l’histoire de la représentation des personnes transgenres et afro-américaines.

Mary Jones née sous le nom de Peter Sewally en 1803. Pour gagner sa vie, elle devient très tôt travailleuse du sexe à New-York. Si le jour elle apparaît en costume masculin, la nuit elle se montre sa vraie nature. Pour travailler, elle porte des vêtements féminins ainsi qu’une prothèse vaginale très sophistiquée. Cette dernière, faite de cuir et en forme de vagin et nouée autour de sa taille, lui permet de cacher son sexe de naissance à ses clients. Au fil du temps, elle se cherche également un nom. Après avoir utilisé Miss Ophelia, Miss June ou Eliza Smith, elle décide de choisir finalement celui de Mary Jones.
Mais c’est dans la soirée du 11 juin 1836 que la vie de Mary change à tout jamais. Alors qu’elle se rends chez un de ses clients, M. Robert Haslem, elle est accusée de lui avoir volé 99$. Elle est arrêtée 4 jours plus tard.
L’affaire du « Man-Monster »
Lors du procès – relaté dans la presse par le New York Sun – R. Haslem évoque Mary. Il l’a décrit comme une femme noire, habillée « élégamment et dans un style parfait », avec une robe bleu et blanche, des boucles d’oreilles blanches et un peigne doré dans ses cheveux. Durant son interrogatoire Mary subit une fouille corporelle. Les gendarmes découvrent qu’il s’agit d’un homme. Il découvrent aussi l’existence de sa prothèse vaginale.
Si Robert Haslem a pu témoigner, forte heureusement il existe également un témoignage de Mary où elle dit :
« J’ai eu l’habitude de suivre des filles de mauvaise réputation […] elles m’ont incitée à m’habiller avec des vêtements pour femmes, en disant que j’avais l’air bien mieux ainsi. […] Elles et moi nous avons toujours assistées à des fêtes parmi lesquels des personnes noires étaient habillées de cette façon. Et à la Nouvelle-Orléans, je me suis toujours habillée ainsi »

Chaque aspect de l’affaire est montré de façon scandaleuse. Mais Mary se montre bien courageuse face à ses détracteurs, et ce, malgré les moqueries des spectateurs venu assister au procès. Une caricature très péjorative de sa personne va également paraître au cours de l’affaire, on l’a surnomme « The Man-Monster » – une appellation absolument affreuse – alors qu’il n’en est rien. Car sa représentation reflète cependant davantage l’apparence d’une femme sage, innocente, douce et féminine.
Des suites de sa libération, Mary Jones est être une nouvelle fois jugée.
En août 1845, le journal Commercial Advertiser prétends qu’elle se fait passer pour une femme cisgenre auprès des hommes qu’elle fréquente grâce à sa prothèse. Puis, une dernière fois en 1846, elle est condamnée pour travestissement, avant d’être envoyée à la prison de Sing-Sing durant plusieurs mois. Après ce nouveau procès on perds définitivement sa trace dans les registres et dans l’Histoire.
L’héritage de Mary Jones
Bien qu’elle ait pu être beaucoup moquée en son temps, Mary reste pour les historiens – comme Jonathan Ned Katz et Tavia Nyong’o – une figure connue pour ses actions et prises de paroles au tribunal, consistant à partager son expérience en tant que personne racisée et transgenre face à un public majoritairement blanc. Même si la vie de Mary Jones n’a pas été des plus gaie, son existence est intéressante. Elle reste importante dans l’histoire de la visibilité des personnes transgenres et afro-américaines. Au même titre que Frances Thompson, Lucy H. Anderson ou Marsha P. Johnson. En 2019, l’écrivain et activiste Tourmaline rends hommage à cette figure vieille de 200 ans dans son court-métrage expérimental nommé « Salacia ».
Naïs Nolibos
Sources :
- 10 Trans Women Pioneers They Definitely Didn’t Tell You About In History Class – Mey, article, Autostraddle, novembre 2015
- DIGITAL/SOURCE: Katz and Nyong’o Exhibit on Mary Jones and Print Culture – Outhistory, ADPHD, 2018
- Digital Transgender Archives Black Transgender Historical Figures – Connor Maddocks, LGBTQ San Diego County News, 2021
- Salacia – Tourmaline, documentaire, 2019
- The People vs Mary Jones: Rethinking Race, Sex and Gender through 19th Century Court Records – Riah Lee Kinsey, NYC Department of Records Information Services, 2022
- Surveilling Bodies: Archives and Sew Work – Ayanna Dozier, pionnerrworks, 2022
🏳️⚧️